CECI n'est pas EXECUTE Yvette Katan Bensamoun et Rama Chalak, Le Maghreb. De l’empire ottoman à la fin de la colonisation française

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Yvette Katan Bensamoun et Rama Chalak, Le Maghreb. De l’empire ottoman à la fin de la colonisation française

(Alain Messaoudi)

Image1Belin, 2007, 400 p.

La publication dans une collection destinée aux étudiants en histoire du premier cycle universitaire d’un manuel présentant d’une façon synthétique l’histoire du Maghreb à l’époque coloniale est une initiative heureuse. Format maniable, présentation aérée, mise en page élégante, papier de bonne qualité, cartes et graphiques soignés : l’ouvrage confirme la bonne renommée des éditions Belin. Son auteur, l’historienne Yvette Katan-Bensemoun, à qui l’on doit une étude de la ville d’Oujda entre 1907 et 1956, l’a composé avec la collaboration d’une juriste, Rama Chalak. Après la synthèse récente de Daniel Rivet (Le Maghreb à l’épreuve de la colonisation, Hachette, 2002), il devrait faciliter, sous une forme plus scolaire, l’accès à l’histoire du Maghreb colonial.

Divisé en 7 parties et 21 chapitres, ce manuel s’organise selon un plan chronologique qui présente peu de surprises : après un tableau de « L’Afrique du Nord avant l’arrivée des Français », ce sont « L’établissement de la France en Afrique du Nord », « L’extension de la puissance coloniale française en Tunisie et au Maroc »,  « L’Afrique du Nord colonisée », et « L’Afrique du Nord entre les deux guerres ». Seul le 6e chapitre choisit d’interroger la période sous l’angle de l’école française et de l’action sanitaire, avant un ultime chapitre consacré à « La marche vers les indépendances ». On regrettera que l’ouvrage ne comporte ni introduction pour indiquer son projet et rappeler les problèmes particuliers de l’historiographie du Maghreb, ni conclusion pour dégager quelques perspectives – mais cela tient peut-être aux contraintes de la collection. Est-ce à dire que l’histoire du Maghreb colonial ne se prête pas aujourd’hui au genre du manuel ? L’effacement des auteurs se fait cruellement sentir quand il s’agit d’une histoire qui met en jeu plusieurs États, plusieurs « nations » contemporaines, et reste l’objet de controverses.

L’articulation des chapitres témoigne de l’importance d’une historiographie de l’époque coloniale qui, contestée ou confirmée par les historiographies nationales qui se sont développées après les indépendances, continue de modeler la perception historique contemporaine. Chapitres et sous-chapitres reprennent souvent une chronologie politique dont la pertinence mériterait parfois d’être mise en question –  pour ce qui est de la Tunisie sous la dynastie husseinite par exemple, dont la présentation reprend des lieux communs de l’historiographie coloniale (Mustafa Khaznadar comme prévaricateur soucieux de ses seuls intérêts privés), qui mériteraient réexamen (chap. 5). L’échelle nationale prévaut le plus souvent, y compris s’agissant des questions économiques et sociales, au risque d’un certain émiettement, accentué par un découpage qui isole parfois de très courtes séquences (chap. 19). Elle se reflète dans le classement d’une bibliographie de 185 titres, qui ne fait pas de place aux travaux anthropologiques. On retrouve ce cadre national pour présenter « l’école française » (chap. 6), dont l’analyse, avec l’organisation des départs des colons en 1848-1849 (p. 66-76), est l’un des points forts de l’ouvrage.

Malgré le soin pris à apporter une information exacte et précise et la qualité de l’édition, le nombre de coquilles reste trop élevé pour un manuel destiné à une large diffusion (la révolte de Margueritte date de 1901 et non de 1902 (p. 101) et, pour s’en tenir aux noms propres, on corrigera Zarrout par Zarrouk p. 113 ; Mosly par Morsly p. 198 ; Sylvestre par Silvestre, p. 210 ; Horlu par Horluc, p. 244). Plus peut-être que les petites notices biographiques, les notions expliquées en notes et la chronologie peuvent être utiles aux débutants. Malgré ses limites, ce manuel, dont le ton rappelle parfois le classique Mallet et Isaac autrefois en usage dans l’enseignement secondaire, devrait favoriser une première initiation à l’histoire du Maghreb à l’époque coloniale.

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